Lorsque le passé et le présent s'entremêlent... [pv]

Il lui aura fallu au final douze longues années pour trouver enfin le courage de revenir dans cette plaine où un grand tournant de son histoire s’était joué. Le temps aidant, Aythyara arrivait mieux à faire face aux souvenirs douloureux qui hantaient encore ses pensées. Désormais notre jeune centaure avait bien mûrie depuis son dernier passage. Par le passé cette zone avait été complètement dévastée, les plantes saccagées, la terre retournée, des cadavres et des débris d’armures éparpillés d’un bout à l’autre. Aujourd’hui il ne restait plus rien de cela, la nature avait repris le dessus et avait tapissé le sol de cette clairière d’un tapis de lierre.

Cette immense étendue verdâtre symbolisait désormais la nouvelle frontière territoriale qui séparait l’empire orque et le royaume elfique. Cet endroit n’était d’autre que le lieu où la progression des orques avait été jadis stoppée, il était le lieu qui avait vu naître le début de la fin d’une guerre de quinze ans, et c’était surtout l’endroit où notre jeune centaure avait perdu son père ainsi que de nombreux compagnons. Les corps des martyres qui étaient tombés ici avaient à présent tous disparus, retournés auprès de leurs proches, ils avaient pu recevoir les obsèques qu’ils méritaient. Seuls à présent persistaient encore quelques casques et quelques lances et épées brisés, rongé par la rouille et envahis par la mousse.

Désormais cet endroit respirait une quiétude presque surnaturelle, un calme uniquement rompu par le gazouillement de quelques oiseaux et le bruit du vent se faufilant à travers le feuillage des arbres avoisinants. Le temps était qui plus est des plus agréables aujourd’hui, le soleil présent dans un ciel parsemé de quelques nuages solitaires réchauffait agréablement la peau de ceux qui s’exposaient à ses rayons. Et c’était presqu’avec tristesse que Aythyara regrettait d’avoir enfilé son armure pour aller se recueillir sur cette plaine qui symbolisait à ses yeux  la sépulture de plus de quinze milles soldats.

Cette armure qui reflétait violemment les rayons de l’astre solaire avait être des plus protectrices à son égard, elle renforçait également la puissance et la chaleur de ses rayons. Résultat, Aythyara commençait à suer sous sa cuirasse, cela faisait après tout à présent bientôt une heure qu’elle était là. Il était sans doute temps désormais de repartir et de trouver au passage une rivière ou une cascade où elle pourrait se rafraîchir.  

Mais alors qu’elle faisait volte-face pour reprendre le chemin du retour, une goutte de sueur passa à travers ses fins sourcils et vint troubler momentanément sa vue. Se frottant énergiquement les yeux, il lui fallut quelques secondes pour lever cette cécité. Et lorsqu’elle put de nouveau reposer son regard devant elle, Aythyara découvrit qu’une personne lui faisait à présent face, cette dernière se tenant dos au soleil, notre jeune centaure éprouvait quelques difficultés à la distinguer clairement. Mettant alors rapidement sa main droite en visière, Aythyara parvint à mieux définir l’individu qui lui faisait face, et aussitôt elle éleva la voix à son attention afin de couvrir la distance qui les séparait encore.

« Je suis Aythyara Färkeïn de la Nouvelle Aube, à qui ai-je l’honneur ? »

Se présenter ainsi la première à un parfait inconnu pouvait sembler être la moindre des politesses, mais cela n’était pas dénué de danger lorsqu’on avait conscience du nombre de guildes qui avaient juré la chute de Nouvelle Aube. Mais l’insouciance naturelle de notre jeune centaure faisait qu’elle partait toujours du principe que toute personne n’était armée que de bonnes intentions jusqu’à preuve du contraire. Résultat elle abordait en général les gens sans la moindre méfiance, croyant naïvement en la bonté naturelle des gens ; enfin heureusement pour elle qu’elle n’était du genre à être sans défense.